Lorsque j'étais enceinte de mon fils, je ne m'étais pas imaginée l'allaiter si longtemps. A vrai dire, j'avais en tête l'image que la société nous renvoie : allaiter quelques mois, puis malheureusement un sevrage imposé par la reprise du travail. Mais au fur et à mesure que le temps passait, je me rendais bien compte que je ne pourrais jamais sevrer Thomas sous prétexte que je reprenais le travail. Il était déjà tellement difficile de m'imaginer le laisser à une nourrice toute la journée ...
J'ai donc commencé à chercher des informations sur l'allaitement et la reprise du travail ... et j'ai alors découvert que cela était possible. Dans tous les témoignages que je lisais, les femmes expliquaient le bonheur des tétées - retrouvailles, et j'ai su que ce serait ma force pour reprendre mon activité.
J'ai pris rendez-vous avec la directrice de mon établissement, pour pouvoir bénéficier de l'heure d'allaitement et m'arranger avec elle. Je craignais beaucoup son refus, mais je me disais que c'était un droit et j'étais décidée à me battre s'il fallait pour l'obtenir. Munie de mon texte de loi, je l'ai donc rencontrée (elle savait pour quelle raison je venais la voir) et elle m'a tout de suite dit qu'elle était d'accord, que c'était vraiment merveilleux de vouloir continuer mon allaitement. Nous avons convenu que je prendrais mon heure en une fois en fin de journée (j'allais donc travailler de 7h à 14 h ou de 13h à 20 h)
Ma surveillante a été mise au courant, et s'est clairement moquée de moi : pourquoi t'embêter avec ça ? donnes des biberons et tu seras bien tranquille, il ne sera plus dépendant de toi ...
Enfin, entre midi, je mangeais en 10 minutes et j'allais tirer mon lait dans un petit coin ... le premier jour j'ai pleuré, je me demandais pourquoi j'étais là au lieu d'allaiter tranquillement mon petit ... et puis, au fur et à mesure je m'y suis habituée ...
Au début mes collègues n'y croyaient pas : elles n'avaient jamais vu ça de leur vie mais comme je ressortais avec mon petit récipient de lait ... Et puis les critiques de certaines ont tout de suite commencé : « elle est complètement psy, elle fait juste cela pour travailler une heure en moins, la fainéante ... quelle marginale ! ! ! »
Les collègues commençaient alors à m'exclure de leur petit groupe : lorsque j'arrivais, elles se taisaient ... et je n'avais vraiment plus le moral ...
Mon mari était le seul à me soutenir (heureusement) mais je souffrais énormément.
Puis un jour où il n'y avait pas trop de travail, nous étions quatre ou cinq, une collègue a commencé à évoquer ce sujet.
Elle m'a dit : « je ne crois pas que tu es bien consciente de ce qui se dit sur toi ... Tu sais ici, plus personne ne croit que tu allaites encore Thomas ... on sait bien que tu le fais croire pour travailler une heure en moins par jour. Untel dit même que de toute façon s'est physiologiquement impossible ... elle le sait, elle a eut deux enfants ... »
Moi : - et elle les a allaités combien de temps ? »
- Ah, je ne sais pas ... je crois qu'elle ne les a pas allaités, mais ELLE SAIT, elle est même grand-mère ...
- Et alors ?
- En tous les cas, nous voudrions qu'un médecin t'examine pour être sûre que tu ne mens pas ...
Alors là, j'ai essayé de trouver des arguments, mais j'étais tremblante ... je lui ai demandé pourquoi cette loi sur l'heure d'allaitement existait si c'était physiologiquement impossible ; pourquoi en Afrique les femmes allaitent leurs enfants jusqu'à 4 ans, et pourquoi pas nous ; comment les gens faisaient quand le lait artificiel n'existait pas ... Je lui ai même proposé de venir à la maison voir si Thomas ne tétait pas !
Elle a fini par me dire : « de toute façon, même si c'est vrai, ce que tu fais à ton fils est vraiment malsain, c'est dégoûtant ... tu veux le rendre dépendant de toi et débile ... le pauvre gamin ... ici tout le monde te trouve vraiment malade ... on n'a jamais vu cela dans notre société ... »
Autant dire que je me souviens de cet après midi là ... Lorsque je suis rentrée à la maison, Thomas m'attendait pour la tétée et c'est en pleurs que je l'ai allaité.
L'ambiance au travail n'a fait qu'empirer. C'était déjà tellement difficile de laisser mon petit Thomas tous les jours qu'aller travailler a été un vrai cauchemar. J'étais épuisée dans tous les sens du terme ... et je me sentais tellement impuissante face à toutes ces femmes ...
Je suis tombée malade : j'ai fais une lymphangite qui m'a beaucoup secouée. J'ai alors compris que le seul moyen pour moi de retrouver une vie normale était de quitter ce travail.
J'ai donc cherché ailleurs, j'ai trouvé mais il me fallait faire des concessions au niveau de ma carrière ... c'est ce que j'ai choisi, après un an de galère.
Valérie
Allaitement Informations, février 2000
La suite : Quelques infos
Page mise ŕ jour le 01/01/2007