Voilà neuf mois que j’allaite ma fille. Comme beaucoup de mamans, j’étais partie dans l’idée « d’essayer » l’allaitement, tout en me disant que « tenir » un mois devait déjà être compliqué. Il est vrai que l’allaitement est souvent dépeint comme étant difficile à mener ; et j’espère que mon récit, même ponctué de ces difficultés desquelles on parle fréquemment, vous montrera que malgré tout, on peut y arriver, et quand on y arrive, quel bonheur !!
Aujourd’hui, alors que l’allaitement est une vraie source de plaisir, si je fais un retour en arrière sur ce qu’ont été les débuts de mon allaitement, je dois dire que ceux-ci n’ont pas été de tout repos…
Ma fille est née par césarienne sous anesthésie générale. Avant même qu’elle n’arrive, on nous avait annoncé un bébé de très petit poids, faible, qui aurait probablement du mal à téter. Les choses étant ainsi, c’est le plus naturellement du monde qu’à la maternité, le personnel soignant lui a donné son premier biberon de lait infantile.
Ensuite, durant la dizaine de jours que j’ai passé à la maternité, malgré ma volonté d’allaiter, personne de l’équipe médicale ne m’a soutenue dans mon choix. Non pas parce que ma fille présentait réellement un problème de santé, mais parce que « c’est trop difficile », « trop compliqué », « votre lait ne vient pas », « ce bébé ne sait pas téter », « il lui faut un lait plus riche », « si vous décidez de l’allaiter, elle ne prendra pas assez de poids et nous la transfèrerons en service de néonatologie »…
C’est assez déconcertant d’y penser maintenant mais il existe dans beaucoup d’hôpitaux une nette différence entre ce qui se dit, et ce qui se fait.
J’ai donc passé les premiers jours avec mon bébé d’une manière assez étrange, seule, complètement démunie, et très frustrée de ne pas pouvoir l’allaiter comme je l’entendais ; on m’a contrainte de lui donner des biberons et on ne m’autorisait à donner le sein seulement après le biberon si je m’astreignais à aller la faire peser avant et après la tétée. Autant vous dire que mon petit moineau ne tétait pas grand chose après avoir bu un biberon…
On ne m’aidait pas non plus pour trouver des positions non douloureuses vis à vis de ma césarienne. Pour me montrer comment mettre bébé au sein, les sages femmes lui ouvraient grand la bouche de force et la plaquaient vigoureusement sur mon sein. On a refusé de me prêter un tire lait sous prétexte que d’autres femmes qui avaient plus de lait que moi en avaient plus besoin… Pour faire bref, on a mis toutes les chances de mon côté pour louper mon allaitement. Seulement ce que j’ignorais avant de devenir maman et que j’ai découvert d’emblée avec mon petit bout d’à peine quelques heures, c’est que je ne voulais pas me passer de cet échange unique, de ce corps à corps merveilleux...
Comme j’ai plutôt la tête dure, j’ai du faire les choses sans compter sur l’aide de l’équipe, mon mari m’a ramené un tire-lait et dès que j’ai pu me lever, j’ai tiré mon lait. Ainsi, on a pu alterner des biberons de lait infantile et de mon lait, toujours suivis d’une tétée pesée. Et c’est dans ce fouillis le plus total que nous sommes rentrés à la maison, avec un bébé en allaitement mixte, comme on dit…
A partir de là, avec le soutien de mon mari, j’ai fait de l’allaitement mon combat. Après avoir éprouvé un manque durant mon séjour à la maternité, avoir eu un sentiment de culpabilité (infondée bien sur), j’ai voulu me donner les moyens de réussir mon allaitement, pour ma fille, et pour moi.
Je me suis mise à me documenter, à m’acheter des ouvrages parlant d’allaitement, à surfer sur Internet. C’est aussi à ce moment que j’ai fait la connaissance de l’association Allaitement Informations, je n’ai pas compté le nombre de coups de téléphone, les mails ou les réunions (merci !) et les choses se sont améliorées : d’une part le soutien que l’on m’a apporté y a fait beaucoup ; d’autre part, j’ai suivi les conseils tellement plus précieux et plus justes quand il s’agit d’une maman qui a l’expérience de l’allaitement : ma lactation s’est bien installée, nous avons fait du cododo et du peau à peau avec notre bébé, l’avons portée en écharpe, et elle était au sein aussi souvent et longtemps qu’elle le voulait.
Bien sur, il a été difficile dans un premier temps de nous détacher du pèse-bébé que l’on nous avait prescrit, et de laisser au réfrigérateur les laits infantiles ; il a encore fallu passer au delà des crevasses, d’une candidose au sein, faire une certaine rééducation à mon bébé qui s’était habitué à la tétine, justifier encore mon allaitement auprès de certains. Puis, quelques semaines après, ayant un bébé qui ne sait maintenant plus boire au biberon (beau retournement de situation n’est ce pas… ?), ce fut l’angoisse de la reprise du travail.
L’allaitement peut parfois sembler compliqué, déconcertant, plus difficile à mettre en place qu’une alimentation au biberon. Je dis bien « il peut », car malgré un début plutôt difficile, la chose que je retiens est que l’allaitement, et la maternité de manière générale, est la plus belle expérience qu’il m’ait été donnée de connaître. Les aléas du début que de (trop) nombreuses femmes connaissent en valent pourtant la peine. Car si on ne peut pas nier que chez certaines les débuts peuvent être difficiles, ce n’est qu’un temps qui ne dure pas et qui laisse place à une relation très fusionnelle avec son bébé. Et surtout, il faut garder à l’esprit que dans une société où l’allaitement maternel est encore malheureusement trop méconnu (ou en tout cas faussement connu), il ne faut pas hésiter à se faire aider, à parler avec des personnes qui s’y connaissent. Il n’y a aucune gêne à avoir à demander un soutien pour donner le meilleur à son enfant. C’est pour moi la clé de la réussite.
Aujourd’hui, j’éprouve à la fois une grande fierté et un apaisement car je sais que je donne le meilleur à ma fille, et chaque tétée est un bonheur intense. Et ça, pour rien au monde, je ne m’en serai passée…
Laetitia, juin 2008.
Page mise ŕ jour le 21/06/2008